En 1921, la Fédération anglaise de football interdit l’accès de ses terrains aux équipes féminines, qualifiant la pratique de « inappropriée ». Malgré cette interdiction, des milliers de spectateurs assistent encore aux matchs organisés en marge des institutions officielles.Aujourd’hui, la FIFA recense plus de 30 millions de joueuses dans le monde. Les écarts de rémunération, de médiatisation et de moyens persistent, mais la croissance du football féminin s’inscrit dans la durée et modifie les équilibres du sport professionnel. Cette progression, souvent entravée, s’est pourtant imposée comme un levier de transformation pour l’ensemble de l’écosystème sportif.
Des origines méconnues aux premiers succès : l’histoire mouvementée du football féminin
Le football féminin suit une trajectoire à part. Bien avant que les caméras ne captent l’intensité des grandes compétitions, des femmes entraient déjà en scène, crampons aux pieds, souvent en dehors de toute reconnaissance officielle. Au fil des années 1910, les premiers clubs féminins s’organisent en France et en Angleterre, portés par l’énergie de pionnières et dirigeantes qui ne reculent devant rien. À Paris, en 1917, Alice Milliat structure la première compétition destinée aux joueuses alors que la Fédération française de football (FFF) laisse la porte du football bien verrouillée.
C’est donc dans la défiance, parfois dans l’adversité, que le football féminin s’est construit. Quand, en 1921, la fédération anglaise tire un trait sur les rencontres féminines en les bannissant de ses terrains, c’est toute une génération qui bute contre un mur. L’attente sera longue avant que la France ose des championnats officiels dans les années 1970, porté par quelques irréductibles et une conviction têtue. Puis, dès le début des années 2000, l’Olympique Lyonnais bouscule la donne nationale et impose un modèle ambitieux sur la scène européenne.
Pour donner la mesure de cette évolution, voici quelques jalons qui ont marqué ce long parcours :
- 1917 : première compétition de football féminin organisée à Paris
- 1970 : reconnaissance officielle du foot féminin par la FFF
- 2001 : entrée de l’Olympique Lyonnais dans le football féminin professionnel
Derrière chaque étape, c’est un effort de longue haleine, porté par la patience et la détermination. En 1991, la FIFA met enfin sur pied la première Coupe du monde féminine, propulsant le football féminin sous un jour neuf, en France comme à l’international. Les mentalités glissent, les clubs osent, les joueuses deviennent des références. Et la dynamique, loin de s’essouffler, trace aujourd’hui sa route sans retour en arrière.
Quels obstacles ont freiné la reconnaissance des joueuses ?
Les difficultés n’ont jamais été un accident de parcours pour le football féminin. Pendant des années, la discrimination s’invite dans chaque sélection, chaque match, chaque embauche. Les instances dirigeantes privilégient sans ambiguïté le football masculin : peu d’accès aux grandes enceintes, moyens au rabais, préjugés persistants. Là où certains joueurs masculins accumulent contrats et notoriété, la majorité des joueuses s’accrochent à des revenus faibles, parfois proches du bénévolat.
Du côté de la Fédération française de football, la tardiveté marque la reconnaissance des sportives. Malgré le plan de féminisation de la FFF engagé quand Brigitte Henriques occupait la vice-présidence, et la mobilisation de Nathalie Boy de la Tour à la ligue professionnelle, le retard collectif reste lourd. L’accès aux équipements est souvent complexe, la médiatisation timide, la présence dans les centres de formation toujours limitée. Les inégalités hommes-femmes restent inscrites dans le réel.
Ce ne sont pas les seuls écueils. Les principaux obstacles qui ont jalonné le développement du football féminin sont nombreux :
- Investissements limités de la part des clubs
- Médiatisation insuffisante
- Rare présence de modèles féminins dans l’espace public et sportif
Cette lutte ne s’est pas jouée qu’au bord de la touche : dans les fédérations, les médias, ou encore à la tribune politique, chaque progrès arraché a nécessité de la persévérance. Laurence Rossignol, ancienne ministre des Droits des femmes, a porté les attentes de tout un mouvement auprès des pouvoirs publics. Grâce à la ténacité des actrices du terrain, des failles sont apparues dans la tradition, mais le rapport de force reste fragile. Les vieux réflexes et un système centré sur le football masculin freinent encore la marche vers l’égalité.
Progrès récents et percées majeures : le football féminin à l’ère du changement
Rares sont les disciplines qui ont connu une telle transformation en aussi peu de temps. L’arrivée de sponsors d’envergure, comme Arkema, insuffle une nouvelle dynamique au championnat de France, éveillant l’intérêt des médias et d’un public de plus en plus engagé. La FFF et la FIFA accélèrent la professionnalisation du secteur : nouveaux cursus pour les éducatrices, chantiers sur les infrastructures, construction d’une convention collective pour les joueuses. Dans les tribunes, l’affluence monte, et sur les écrans, les records d’audience tombent lors des grandes rencontres.
L’année 2019 change la donne, avec la Coupe du monde féminine organisée en France : la compétition séduit plus d’un milliard de téléspectateurs d’après la FIFA. Les médias braquent enfin leurs caméras sur la discipline. Des clubs comme l’Olympique lyonnais et le VfL Wolfsburg imposent leur empreinte sur la scène européenne, faisant évoluer le niveau et les ambitions des ligues des champions féminines. La compétition entre la France, l’Angleterre ou l’Allemagne pour attirer les plus grands talents reflète désormais la vitalité du secteur.
Côté partenaires, l’écosystème s’anime : équipementiers, cabinets d’audit, annonceurs multiplient les efforts, convaincus de la pertinence de miser sur le football féminin. Les Jeux Olympiques de Paris approchent à grand pas, révélant l’ampleur de l’engouement suscité par l’équipe de France féminine. On constate aussi l’essor du soutien et de la visibilité dans les gradins, où les supportrices prennent leur juste place. Exit le statut de parent pauvre : le football féminin s’impose désormais avec détermination.
Un miroir de la société : comment le football féminin questionne l’égalité et inspire le sport moderne
Il suffit d’observer l’évolution du football féminin pour le comprendre : ce sport pèse désormais bien au-delà du rectangle vert. Chaque confrontation, chaque manifestation, chaque victoire tisse un fil avec la lutte pour l’égalité. Le combat pour la parité femmes-hommes se joue aussi au cœur du jeu : les joueuses, les responsables, les dirigeantes bousculent les codes et deviennent sources d’inspiration. Leur détermination éclaire les questions qui agitent la société : reconnaissance, respect, présence dans les lieux de pouvoir.
La diversité gagne du terrain, jusque dans l’encadrement et les effectifs. L’arrivée de femmes comme Laura Georges ou Brigitte Henriques à des postes élevés dans la FFF ou la Fifa marque une inflexion notoire. Pour les jeunes filles, des modèles émergent enfin, avec un impact direct : d’autres disciplines sportives s’en inspirent et lancent, à leur tour, des réflexions profondes sur leur propre ouverture.
Pour illustrer tous ces changements, voici en quoi le football féminin influence le monde du sport et l’espace social actuel :
- La médiatisation plus large des sportives ouvre l’accès au terrain pour une nouvelle génération.
- L’inclusion et la mixité réinventent peu à peu les modes d’accès au sport.
- La question de l’égalité de salaire s’invite, à chaque saison, dans les discussions publiques.
Ce mouvement ne se limite plus à quelques clubs ni à quelques affiches. Il irrigue l’ensemble du tissu social et oblige le sport à se repenser, à chaque niveau. Aujourd’hui, quand un but est marqué sur la pelouse, c’est une idée d’égalité qui avance, la prochaine étape pourrait bien renverser l’ordre du jeu là où on l’attend le moins.


